La peinture de la morale et du sentiment :
Jean-Baptiste GREUZE, L’accordée de village, 1761, Paris, Musée du Louvre.
Jean-Baptiste GREUZE, L’accordée de village, 1761, huile sur toile, 92x117 cm, Paris, Musée du Louvre.
Jean-Baptiste Greuze (1725 – 1805) voulait être peintre, contre l’avis de son père qui le voulu architecte.
Il fait son premier apprentissage chez le peintre Grandon, à Lyon, avant de s’installer à Paris vers 1750. Il s’intègre dès lors dans les cercles de collectionneurs. Tout en suivant les cours de l’Académie, il s’éloigne du chemin officiel qui l’aurait mené à concourir pour le Prix de Rome. Il fut cependant agréé en 1755 lorsqu’il présenta au Salon Père de famille qui lit la Bible à ses enfants.
Greuze peint des portraits, des peintures historiques mais il est principalement connu pour ses scènes de genre bien qu’il eut voulu être connu en tant que peintre d’histoire. Ambitionnant d’être reçu en tant que tel à l’Académie, il présenta Septime Sévère reproche à Caracalla d’avoir voulu l’assassiner en 1769. Mais ce fut un échec, l’Académie mettant en avant le fait qu’il peigne des histoires dans un cadre familial, ses œuvres étant dès lors des peintures de genre.
De nombreux collectionneurs s’intéressent à ses œuvres, dont le marquis de Marigny, frère de Mme de Pompadour, favorite du Roi Louis XV. Le marquis acquiert L’Accordée de village, et à la mort de celui-ci, l’œuvre est rachetée par le surintendant du Roi pour le Roi.
C’est en 1761 que Greuze présenta L’Accordée de village au Salon.
En quoi cette œuvre instaure-t-elle Greuze comme « peintre de mœurs » ?
La peinture de la morale et du sentiment :
Jean-Baptiste GREUZE, L’accordée de village, 1761, Paris, Musée du Louvre.
Jean-Baptiste GREUZE, L’accordée de village, 1761, huile sur toile, 92x117 cm, Paris, Musée du Louvre.
Jean-Baptiste Greuze (1725 – 1805) voulait être peintre, contre l’avis de son père qui le voulu architecte.
Il fait son premier apprentissage chez le peintre Grandon, à Lyon, avant de s’installer à Paris vers 1750. Il s’intègre dès lors dans les cercles de collectionneurs. Tout en suivant les cours de l’Académie, il s’éloigne du chemin officiel qui l’aurait mené à concourir pour le Prix de Rome. Il fut cependant agréé en 1755 lorsqu’il présenta au Salon Père de famille qui lit la Bible à ses enfants.
Greuze peint des portraits, des peintures historiques mais il est principalement connu pour ses scènes de genre bien qu’il eut voulu être connu en tant que peintre d’histoire. Ambitionnant d’être reçu en tant que tel à l’Académie, il présenta Septime Sévère reproche à Caracalla d’avoir voulu l’assassiner en 1769. Mais ce fut un échec, l’Académie mettant en avant le fait qu’il peigne des histoires dans un cadre familial, ses œuvres étant dès lors des peintures de genre.
De nombreux collectionneurs s’intéressent à ses œuvres, dont le marquis de Marigny, frère de Mme de Pompadour, favorite du Roi Louis XV. Le marquis acquiert L’Accordée de village, et à la mort de celui-ci, l’œuvre est rachetée par le surintendant du Roi pour le Roi.
C’est en 1761 que Greuze présenta L’Accordée de village au Salon.
En quoi cette œuvre instaure-t-elle Greuze comme « peintre de mœurs » ?
Une scène rustique.
Un intérieur paysan.
La scène est une véritable galerie théâtrale où l’on décèle douze personnages. Une famille paysanne est réunie pour concrétiser le mariage d’une des filles de la famille.
Greuze réalisa plusieurs dessins préparatoires et des gravures qui permettent de nous faire découvrir l’évolution de la mise en place des personnages, notamment celle du personnage du fond, qui monte l’escalier, qui n’apparait qu’à mi-hauteur dans l’œuvre définitive.
Une scène rustique.
Un intérieur paysan.
La scène est une véritable galerie théâtrale où l’on décèle douze personnages. Une famille paysanne est réunie pour concrétiser le mariage d’une des filles de la famille.
Greuze réalisa plusieurs dessins préparatoires et des gravures qui permettent de nous faire découvrir l’évolution de la mise en place des personnages, notamment celle du personnage du fond, qui monte l’escalier, qui n’apparait qu’à mi-hauteur dans l’œuvre définitive.
J.-B. GREUZE, Etude pour la composition de L’Accordée de village, 1761, grisaille, Paris, Musée du Petit Palais.
J.-B. GREUZE, Etude pour la composition de L’Accordée de village, 1761, grisaille, Paris, Musée du Petit Palais.
Remarquons dès lors la composition en arc de cercle, où les personnages s’enchaînent les uns par rapport aux autres et permettent une lecture dans les deux sens. De même ceux-ci offrent un ensemble d’émotions et de sentiments.
Des thèmes très classiques apparaissent dans la composition des personnages, tels que la vieille femme vénérable et le jeune fiancé, le cadre du foyer.
Notons que les hommes agissent alors que les femmes sont passives, ce qui connote un devoir des hommes face aux sentiments des femmes.
Quelques éléments sont à remarquer dans la composition de l’intérieur, tels que la nature morte représentant une étagère qui porte les pains sur un linge blanc, le fusil, la lanterne, le groupe de poules, qui caractérisent un intérieur paysan.
Cependant c’est à peine si l’on voit la pièce dans laquelle se déroule l’évènement mais l’on peut remarquer une certaine aisance, malgré l’appartenance au monde paysan.
La promesse de mariage.
La scène représente donc un intérieur villageois, où l’on voit un père remettre solennellement à son futur gendre la dot de sa fille. Celui-ci écoute avec attention les propos du père. Le peintre explicite donc ici la cérémonie de la promesse de mariage au cours de laquelle le contrat est dressé devant notaire.
Le titre complet de l’œuvre est par ailleurs Un mariage, et l’instant où le père de l’accordée délivre la dot à son gendre.
Douze personnages sont représentés dans cette scène et sont chacun dans leur rôle. Diderot fait remarquer que la scène est peinte telle qu’elle a du se passer et que chacun fait alors ce qu’il doit.
La jeune fiancée, l’accordée, est émouvante par son attitude mais aussi par son expression de retenue et de douceur contenue dans la position de sa tête et ses yeux, pudiquement baissés. Elle passe un bras au-dessous de celui de son futur époux tout en effleurant la main de ce dernier qu’elle ne semble pas oser prendre. Son autre main est retenue par sa mère en larme, assise sur un fauteuil, voyant le bras de sa fille lui échapper et donc sans doute par extension, sa fille elle-même.
Cet acte officiel qui va bouleverser sa vie suscite, en effet, des réactions diverses parmi les témoins.
La sœur aînée de la fiancée, se trouvant derrière le père, visage appuyé sur une main, regarde la scène avec dépit, semblant être jalouse. Alors que la sœur cadette pleure sur l’épaule de sa sœur qu’elle va perdre et ne semble, au contraire, pouvoir cacher son chagrin.
Les plus jeunes de la fratrie semblent voient l’évènement à leur manière. Le plus jeune s’intéresse aux papiers du notaire posés sur la table alors que le cadet, par exemple se hausse sur la pointe des pieds pour mieux voir. La jeune fille donne du pain à une poule et aux poussins, symboles de la fertilité du mariage.
Le fiancé, fait deux choses en même temps : il reçoit la dot du père et l’écoute. Ce dernier, en effet, a la main tendu vers le fiancé afin de lui remettre la dot et fait un discours sans doute sur les obligations du mariage.
Le tabellion, notaire dans une seigneurie, se trouve au premier plan, dans un décor précisément planté. Il établit le contrat de mariage, tout en écoutant ce que dit le père.
L’originalité de la scène de Greuze se trouve dans le fait qu’il s’oppose aux images d’une Arcadie érotique et aux Pastorales de son temps, comme celles de Boucher. La relation amoureuse est ici attestée par une transaction pécuniaire. Le thème reflète l’organisation, l’ordonnance des personnages. Et cette morale imagée plut à Diderot : « Oh ! Que les mœurs simples sont belles et touchantes, et que l’esprit et la finesse sont peu de choses auprès d’elles ! ».
Il faut aussi faire une incursion dans la vie du peintre, qui a épousé une femme, le ruinant par ses dépenses et multipliait les amants. Sans doute, avec cette œuvre, Greuze rêva d’un idéal avec des épouses attentives et bonnes mères.
Cet idéal fut partagé par les foules et la critique, ajouté à cela une vie campagnarde vu comme idyllique prônée la seconde moitié du XVIIIè siècle.
Diderot, Salon de 1761 : « C'est un père qui vient de payer la dot de sa fille. […] Le peintre a donné à la fiancée une figure charmante, décente et réservée. […] Elle est jolie, vraiment. Une gorge faite au tour qu'on ne voit point du tout. Mais je gage qu'il n'y a rien là qui la relève, et que cela se tient tout seul. Plus à son fiancé, et elle n'eût pas été décente ; plus à sa mère ou à son père, et elle eût été fausse. Elle a le bras à demi passé sous celui de son futur époux, et le bout de ses doigts tombe et appuie doucement sur sa main ; c'est la seule marque de tendresse qu'elle lui donne, et peut-être sans le savoir elle-même. ».
Une peinture morale.
Diderot a laissé une foisonnante description de cette œuvre. Il détaille toutes es beautés du tableau tout en en faisant une description fidèle. Selon Diderot, l’attention prêtée aux moindres détails, l’évocation des nordiques du XVIIè siècle dépassent l’anecdote par la noblesse car les nombreux éléments narratifs restent subordonnés à l’unité d’action.
Greuze soigne la lisibilité du spectateur par l’ordonnance de la composition, l’expression des attitudes et des visages. L’artiste hausse ainsi son art à une certaine dignité, tel la « Grande Manière ».
Par la même il invente un nouveau type de sujet, touchant la bourgeoisie et la noblesse. Les héros de Greuze sont ceux d’une morale quotidienne, populaire et sentimentale ; une « morale de la peinture ». Diderot explique son enthousiasme envers Greuze car celui-ci est le premier en France à conférer à l’art « des mœurs », c'est-à-dire à la moralité mais aussi au concept plus neutre de « tableau des mœurs », tel le genre des peintres hollandais.
Diderot jugea que les scènes morales de Greuze étaient des tableaux au même titre que les œuvres de Poussin, Van Loo ou Le Brun (Essais sur la peinture, 1765).
Cependant, quand le peintre traite un véritable sujet d’histoire, avec Septime Sévère reproche à Caracalla d’avoir voulu l’assassiner (1769), on lui reproche de sortir de son genre.
Un témoin privilégié de son temps.
Salon de 1763, Diderot : « D’abord le genre me plait ; c’est de la peinture morale. Quoi donc ! Le pinceau n’a-t-il pas été assez et trop longtemps consacré à la débauche et au vice ? Ne devons-nous pas être satisfait de la voir concourir enfin avec la poésie dramatique à nous toucher, à nous instruire, à nous corriger et nous inciter à la vertu ? ».
Cette citation est révélatrice de la pensée du temps de Greuze, et de la demande d’une peinture morale. En effet, la décadence des mœurs d’une société galante est associée à une peinture brillante mais artificielle, le raffinement s’opérant dans l’oubli de la nature et donc à une corruption morale.
Dans ce contexte, l’art de Greuze répond à une attente car il s’appuie sur l’observation de la nature et s’oppose ainsi aux frivolités du rococo. Le ton sérieux et moralisateur plait alors à ceux qui prônent la restauration du « Grand Goût ».
Greuze est un acteur et témoin privilégié d’une époque particulièrement mouvante, marquée par des bouleversements sociaux et de mentalités. Il en est le représentant de par ses contradictions, entre libertinage et morale, se cherchant de nouvelles valeurs.
Le milieu du XVIIIè siècle voit naître une littérature sentimentale que l’art chercha à imiter. Sont alors privilégiés le sujet, les intentions et les suggestions sentimentales qui plurent au public.
Greuze pénétra ainsi au centre des mentalités, répondant à une attente et en provoquant l’empathie du spectateur.
BIBLIOGRAPHIE
* BAILEY (C. B.), Jean-Baptiste Greuze, The Laundress, Los Angeles 2000.
* BARKER (Emma), Greuze and the Painting of Sentiment, PRESS SYNDICATE OF THE UNIVERSITY OF CAMBRIDGE, The Pitt Building, Trumpington Street, Cambridge, 2005.
* DIDEROT (Denis), Essais sur la peinture, Salons de 1759, 1761, 1763, Hermann, Paris, 2007.
* DIDEROT (Denis), Salons, Coll. Folio classique, Ed. Gallimard, Paris, 2008, p.61 – 66, p.90, p.222.
* MUNHALL (Edgar), Jean-Baptiste Greuze 1728-1805, catalogue de l’exposition organisée par le Wadsworth Atheneum, Hartford, 1977
* REX (Walter), « Diderot contre Greuze », Diderot’s counterpoints : the dynamics of contrariety in his major works, Oxford, 1998.
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