mercredi 30 avril 2008

L'antépendium de Bâle.


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© Eosclio



Antépendium = décorations devant un autel qui sont en majorité constituées de tapisseries richement décorées, de bois sculpté ou de métaux travaillés. Ici de la cathédrale de Bâle (Suisse actuelle, au Moyen-âge = Germanie).


Depuis les origines, l'autel d'une église était le réceptacle de nombreux trésors, mais à partir de l'époque carolingienne s'établit la tradition de le parer d'ornements sur sa partie antérieure, qui devient elle-même un véritable élément du trésor de l'église.


Beaucoup d’œuvres d’orfèvrerie sont lié à l’intense mécénat des empereurs et des grands fondateurs des nouveaux sièges épiscopaux, devenus de véritables centres de création artistique. 3 grandes racines : paléochrétienne, byzantine, carolingienne.


L'antépendium en tant qu'objet.




  • Histoire.
    Date/lieu = Premier quart du 11s (autour de 1015, date de fondation du monastère de Bamberg, à qui il était destiné à l’origine. Sans doute en 1019 à l'occasion de la consécration de l'édifice) donc période carolingienne, probablement à Fulda.
    Don d’Henri II suite à sa guérison par St Benoît.
    A la base était destiné à Bamberg, mais choix de Bâle est volonté de renforcer les liens avec cette place.
    En premier dans Trésor de la cathédrale de Bâle avant d'être transféré à l’Hôtel de ville de Bâle en 1827. Il fut mis aux enchères publiques et acheté en 1836 par un orfèvre nommé Handmann, puis acquit en 1838 par un colonel de Napoléon III, amateur d'art : Victor Theubet. Il fut enfin acheté par l’Etat français pour le musée de Cluny le 10 juin 1854.



  • Fonction.
    Elément décoratif.
    Un texte ancien indique les jours où il doit être placé sur l’autel.
    Etait entreposé qu'à certaine occasions, lors des 7 grandes fêtes liturgiques : Noël, Pâques, Pentecôtes, St Sacrement, Assomption, Toussaint et fête de l'empereur Henri.



  • Fabrication.
    Hauteur : 1m20, Largeur : 1m77, Epaisseur : 13cm.
    Or sur âme de bois de chêne ; Autrefois bourrage de cire aux emplacements des figures ; cuivre doré et émaillé (bandeaux inscrits) ; alliage d’argent et de cuivre (couronnes des donateurs) ; perles, billes d’argent, verroteries, pierres précieuses et semi-précieuses dont 4 intailles antiques réemployées (nimbes des personnages).
    Façade est revêtue de feuilles d'or travaillées au repoussé (feuille de métal est travaillée sur l'envers du décor pour repousser les reliefs, en négatif) et cloué sur une âme de bois de chêne
    Il y a 5 grandes figures en relief très saillant ; l’absence du bourrage en cire qui fait défaut suppose un démontage au moins partiel puis un réassemblage à une époque indéterminée.




La représentation.




  • Iconographie.
    1) Fond.
    Au sommet : bandeau peuplé d’oiseaux et de quadrupèdes, soulignés par un chanfrein rentrant représentant des végétaux. On a au dessous encore un bandeau en cuivre doré sur lequel il y a une inscription.
    Même disposition mais symétrique pour le bas.
    Montant verticaux reprennent le thème du rinceau peuplé d'animaux, puis il y a un chanfrein rentrant continu représentant des végétaux.
    Champ présente une série de 5 arcades en plein cintre (celle du centre est légèrement outrepassée) soutenues par des colonnes.
    Médaillons avec des personnages féminins (voile?) avec des lettres.

    2) Inscription. Le long de la frise supérieure et du soubassement il y a une inscription.
    “Quis sicut hel fortis medicus soter benedictus
    Propice terrigenas clemens mediator usias”.

    3) Représentation principale. 5 personnages sous des arcades qui ont leur nom sur ces dernières ; ils se tiennent sur un monticule constitué de mottes végétales. Les arcades sont soutenues par des colonnes baguées à mi-hauteur et à chapiteaux corinthiens. Elles sont posées sur une base qui empiète sur le chanfrein inférieur.
    Têtes sont nimbées et nimbes sont rehaussées de pierreries montées en relief. Celui du centre est de plus crucifère.
    Chacun des 2 personnages logés dans les encadrements latéraux sont de ¾ tournés vers celui du milieu. 3des personnages sont ailés.
    Un personnage central, 2 à sa gauche et 2 à sa droite:
    Gauche externe : tient de la main droite une crosse et de la main gauche un livre. «S(an)c(tu)s Benedictus abb(as)».
    Gauche interne : tient de la main gauche une lance avec une banderole et dans sa main gauche un globe orné d'une croix. «S(an)c(tu)s Michaël››.
    Centre: Main droite levée, main gauche tient globe. «Rex regum et D(omi)n(u)s dominantiu(m)».
    Droite interne : main droite tient long sceptre à terminaison bouletée, main gauche paume vers l’avant. «S(an)c(tu)s Gabriel››.
    Droite externe : Mêmes attitude et attribut que Gabriel. «S(an)c(tu)s Rafaël››.



  • Interprétation.

    1) Personnages

    Sous les 5 arcades le Christ debout avec à ses pieds l’empereur Henri II et sa femme Cunégonde, entourés de St Benoît, Michel, Gabriel et Raphaël (archanges).
    Christ = cintre du milieu, est plus élevé que les autres. Pouce, index et majeur levé, les autres doigts sont repliés : il bénit. Il porte dans la main gauche un globe où se trouve son monogramme entre l’alpha et l’oméga. Pieds reposent nus sur une sorte de monticule devant lequel sont agenouillés H2 et Cunégonde, prosternés, dans l’attitude de l’adoration.
    St Benoît = crosse est l'emblème de la dignité abbatiale et le livre est la règle qu'il a donné à son ordre dont il porte d'ailleurs le costume.
    Michel = (Bien, combat contre le Mal) lance avec banderole emblème du premier combattant de la cohorte céleste, globe avec une croix est signe de rédemption.
    Gabriel = (Annonciation, Bonne Nouvelle) bâton symbole de son divin ministère et geste d’adoration à l’adresse du Christ.
    Raphaël = (Guérison) bâton symbole de son divin ministère et geste d’adoration à l’adresse du Christ.
    Il s’y exprime avant tout la dévotion du couple impérial à St Benoît et à travers lui au Christ « guérisseur ».
    L’image du Christ couronné, toujours vivant, dont l’empereur est le délégué est signe d’investiture.


    2) Médaillons.
    Médaillons enferment les bustes couronnés des 4 Vertus Cardinales = Dans le christianisme, ce sont 4 vertus qui jouent un rôle charnière dans l’action humaine :
    La Prudence (PR DC) : Discerner en toutes circonstances le véritable bien.
    La Tempérance (TM PR) : Maîtrise de la volonté sur les instincts.
    La Force (FR TT): Résister aux tentations et surmonter les obstacle = courage.
    La Justice (IS TC) : Donner à chacun ce qui lui est dû.
    Sont souvent représentés sous des traits de femmes au Moyen-âge.
    Référence aux « Laudes regiae » = acclamations liturgiques.

    3) Inscriptions. Complexité sémantique : plusieurs traduction.
    Vers initial :
    Sorte de légende car tt les mots se rapporte à un personnage («quis sicut hel» = Qui est comme Dieu = Michaël ; «fortis» = l’homme de Dieu = Gabriel ; «medicus» = Dieu guérit = Rafaël ; «soter» = sauveur = Christ ; «benedictus» = St Benoit.).
    Signification purement théologique : « Qui, comme le Dieu fort, comme le Sauveur qui guérit, doit être bénit. ».
    « Qui est, comme Dieu, un médecin fort, un sauveur bénit. ».
    « Qui est, comme le Dieu fort, médecin et sauveur. ».
    Second vers :
    « Sois bienveillant aux créatures terrestres, clément médiateur. ».
    « Sois bienveillant aux créatures terrestres, clément médiateur de l’essence divine. ».
    Quel qu'en soit la traduction, cette inscription parait faire allusion à une guérison de l'empereur étant donné les fortes allusions aux Christ et à St Benoît. Le Christ apparaît assimilé aux anges ainsi qu’exalté dans son rôle de « guérisseur ».




Hypothèse de l'importation byzantine : > Les 2 personnages en proskynèse aux pieds du Christ.
> Cadres en sarments d'acanthe.
> Possibilité d’avoir réutilisé un objet occidental.



Mais des traits occidentaux : > Inscriptions.
> Schéma du « Christ vainqueur » (contre "Christ souffrant" = tête abaissée, yeux clos, corps flechissant) dont dérive la figure centrale est inconnue en Orient.
> Témoigne en tout cas de l'étroitesse des liens de l'empire germanique avec le monde byzantin.

© Eosclio

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