mercredi 30 avril 2008

L’hôtel particulier parisien au XVIIe siècle : l'hôtel de Sully.

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© Eosclio




« Tant d'appartements differends Si beaux, si riches et si grands De pavillons,
de galleries, De basses cours et d'écuries Ces alcoves et ces sallons, Ces
dorures et ces plafons ; Doivent par leur magnificence Rendre honteux les Roys
de France. »
(Furetière, le voyage de Mercure)





Situation.





L’hôtel de Sully se situe aujourd’hui au 62 rue Saint-Antoine, dans le 4e arrondissement de Paris. Il abrite depuis 1965 la Caisse nationale des monuments historiques et des sites. Il est alors un établissement public rattaché à la direction du patrimoine (Ministère de la Culture).




L’hôtel se situe sur la rue Saint-Antoine entre la place de la Bastille et la place de l’Hôtel de Ville de Paris, dans le quartier du Marais.







Un hôtel particulier dans le quartier du Marais.






« Les habitations des particuliers prennent différents noms selon les différents
états de ceux qui les occupent. On dit la "maison" d'un bourgeois, l'"hôtel"
d'un grand, le "palais" d'un prince ou d'un roi. L'hôtel est toujours un
bâtiment annoncé par le faste de son extérieur, l'étendue de son embrassé, le
nombre et la diversité de ses logements, et la richesse de sa décoration
intérieure. »



(Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des Métiers)









Le quartier du Marais au XVIIe siècle :



Vallée marécageuse, le quartier du Marais connu ses premières occupations royales dès le XIVe siècle avec l'hôtel de Saint-Pol et le palais des Tournelles.



Ce quartier était traversé par la rue Saint-Antoine qui était une artère de l'est de la capitale et parcours des entrées royales dans la ville car elle menait de la porte Saint-Antoine, à place de la Bastille à la place de l'Hôtel de Ville.






Un quartier où « il est désormais de bon ton d’avoir son hôtel » :



> Le quartier du Marais fut rendu à la mode au XVIIe siècle par le projet de lotissement de la place des Vosges. C’est également le laboratoire de ce qu’on appelle traditionnellement l’"hôtel entre cour et jardin". En effet, tandis que la ville médiévale n’offrait pas toujours de terrains réguliers, obligeant à des plans compliqués, le Marais était au contraire, encore largement un vaste champs à bâtir, avec un terrain plat et des rues neuves rectilignes.




> Il faut également souligner, qu’à cette époque la monarchie entre dans son âge administratif ; le roi gouverne donc désormais avec l’appui d’une puissante administration. Celle-ci est composée de nobles de robe, c'est-à-dire des bourgeois ayant achetés une charge et ayant été anoblis au service de l’Etat ; ils ont donc moins besoin d’un château en province comme ceux de la noblesse d’épée, que de résidences urbaines, proches du Pouvoir, qui se sédentarisent et se centralisent à la fois.





La construction.




> L'hôtel fut édifié de 1625 à 1630 sur les plans de Jean Ier Androuet du Cerceau par le maître maçon Jean Notin pour le banquier Mesme-Gallet du Petit Thouars qui l’avait acquit en 1624. Il fut construit avec un jardin et une orangerie donnant accès à la place Royale (aujourd'hui place des Vosges).



> Vendu inachevé au créancier de Mesme-Gallet, Jean Habert le 27 avril 1628, ce dernier acquit également l’hôtel de la Mouffle et quelques autres immeubles, ce qui permit à l’hôtel de Sully d’avoir une façade sur la rue.



> Maximilien de Béthune, premier duc de Sully, ancien ministre des finances et surintendant des bâtiments d'Henry IV en devient propriétaire en le rachetant le 23 février 1634. Il en acheva le décor, y fit construire le Petit hôtel de Sully au fond du jardin et y vécut ses dernières années.

Un hôtel « à la française » :



> L'hôtel est de plan classique : le corps de logis principal s'élevant entre cour et jardin, ce qui caractérise l’hôtel « à la française ». Il est également constitué d’un plan en U avec deux ailes sur cour, terminées par deux pavillons sur rue reliés par une terrasse.



> Fidèle à la silhouette française, les corps de logis sont couverts de combles droits à croupes, avec des lucarnes de pierre et de hautes cheminées. Faute de place il ne dispose cependant pas de deux cours séparées comme l’hôtel Carnavalet, mais d’une seule qui donne sur les communs et une courette pour le fumier. A ceci il faut ajouter un archaïsme : l’escalier principal, pivot de la distribution est placé au centre du logis, il coupe donc les appartements en deux.



> L’hôtel de Sully est un très bon exemple de l’hôtel aristocratique français du début du XVIIe siècle, dont on pouvait trouver de nombreux exemples dans le quartier du Marais, de par ses éléments caractéristiques comme les hautes toitures éclairées de lucarnes, la symétrie des façades, l’alignement vertical des fenêtres surmontées de frontons ou encore les deux pavillons qui encadrent le portail côté rue.

L’aménagement intérieur au temps du duc de Sully (1634 – 1641) :
Selon le schéma traditionnel le logis principal était séparé de ce qui servait la fonction matérielle, les services étant relégués dans les ailes de la cour (cuisine malodorante, écuries…).




Entre tradition et nouveauté.



Une particularité de l’aménagement intérieur : > Contrairement à la coutume qui laissait généralement l'étage noble à l’épouse, l’appartement du duc de Sully s’y trouve. La pièce principale est en effet divisée en deux, ce qui lui permettait de faire patienter ceux qu’il recevait.
> Un « cabinet doré », aménagé par le duc, complétait cet appartement.



Un hôtel entre tradition et nouveauté : > L'hôtel constitue un remarquable exemple de ce que l'on a appelé la « tentation baroque ». Son plan est classique, caractéristique de l'art français : un logis centré construit sur un axe unique), entre cour et jardin (l'éloignement de la rue étant recherché), précédé de deux ailes qui rejoignent deux pavillons ; on pourrait en dire autant de son élévation rigoureusement symétrique ce qui est une nouveauté. En revanche, la richesse de la décoration sculptée de ses façades laissent apparaître une influence baroque (frontons triangulaires en plein cintre, lucarnes flanquées de volutes, figures allégoriques en haut-relief).
> Il y a une égalité dans la hauteur des ailes et du logis principal, ce qui est une nouveauté
> A la différence des célèbres pavillons de la place des Vosges, aux murs de briques et aux ouvertures encadrées de pierre de taille, l’hôtel de Sully annonce la composition classique par l’emploi de la pierre de taille. Malgré que très coûteux, cela va devenir l’usage courant par la suite.
> La nouveauté de l’édifice résidait dans la richesse de la décoration qui a survécu et qui rappelle celle de l'hôtel Carnavalet avec ses figures allégoriques et ses lucarnes élaborées. Cependant cela contraste avec la rigueur de la composition ; en effet, les motifs ornementaux maniéristes sont représentatifs de la fin de la Renaissance (têtes de femmes, allégories des éléments et des saisons, motifs végétaux).



Conclusion et bibliographie.



> Après la Révolution, il tombe entre les mains de négociants, devenant un immeuble de rapport. Il reçu dès lors de multiples transformations pour abriter commerces, artisans et autres locataires.
> Au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, il tombe en décadence. On construit d’ailleurs au dessus de la terrasse centrale, un corps de logis de style néoclassique, possédant un balcon sur toute sa largeur. Au rez-de-chaussée sont percées des boutiques avec des devantures de style néo-ogival. L’hôtel est classé monument historique en 1862, l'hôtel allait alors renaître grâce à de nouveau propriétaires plus soucieux de sa conservation. Il fut ensuite racheté par l'Etat en 1944 et devient le siège de la Caisse nationale des Monuments historiques et des Sites. On y entreprit alors une longue campagne de restauration qui s'acheva par la remise en état de l'Orangerie en 1973.
> Fragment du règne des premiers Bourbons au cœur de la métropole contemporaine, l'hôtel de Sully intrigue avec sa façade de pierre au milieu du rideau gris l'entourant. Il est une horloge arrêtée. Ouvert, on le traverse de toute sa longueur sans rencontrer d'obstacles, quittant la "grand'rue" pour s'enfoncer dans la passé, dans un jardin du siècle de Louis XIII.
> Alliant décors anciens et aménagements contemporains, il est un symbole des visions successives envers ce lieu et un exemple de vie d'un Monument historique.


░ J. COLSON et M.-C. LAUROA, Dictionnaire des monuments de Paris, Hervas, Paris, 1992.
░ DIDEROT et D'ALEMBERT, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des Métiers, Pergamon Press, New York, 1989.
░ A. GABRIEL, Guide de l'architecture des monuments de Paris, Alternatives, Paris, 1998.
░ J.-M. PEROUSE DE MONTCLOS, Paris, Hachette, Paris, 1994.


© Eosclio

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour, votre article est très instructif, j'ai vraiment adoré. Je fais un exposé dans le cadre scolaire de mon lycée sur le quartier du Marais, et j'aurais souhaité savoir où vous aviez eu les cartes anciennes qui concernnent ce quartier.
Merci par avance de votre réponse.

Eosclio a dit…

Pour ce travail j'avais assez de documents, trouvés dans la bibliographie, pour illustrer.
J'ai eu accès à une seule carte représentant le Marais à cette époque, que vous pouvez voir dans l'article, centré sur l'hôtel.
Si vous avez besoin de cartes, vous trouverez ce dont vous avez besoin aux Archives Nationales ou sur le Site Gallica (http://gallica.bnf.fr) en faisant une recherche simple en tapant "carte de Paris".
Petit conseil : N'utilisez JAMAIS de cartes du type "plan de métro" pour faire un travail "scientifique", vous avez la très bonne démarche de chercher des plans d'époques !
Si vous avez plus de questions n'hésitez pas à les poser sur le forum Clio (http://clio-histoire.forumactif.net/). plusieurs personnes se feront n plaisir de vous aider dans vos recherches !